Sur France Culture qui s'intéresse à Marx (10 heures d'édition quand même) Christine Lecerf a donné un point de vue qui sort des sentiers battus du conformisme social et rejoint nos propres réflexions notamment dans Rencontres Marx
Elle se demande si Marx, au-delà de ses analyses économiques du capitalisme, n’était pas lié à notre époque d’abord pour sa façon de s’interroger, pour sa représentation du monde, sa vie d’exilé… Un voile, un écran, une épaisseur lui rendaient ce Karl Marx inconnu. Le retour récurrent de son fantôme à partir de la crise du coronavirus est susceptible de malentendus. On ne saurait réduire son œuvre à une sorte de manuel de compréhension du capitalisme en état de crise. C’est une pensée qui va beaucoup plus loin, et qui mérite d’être explorée dans tous les contextes, pas seulement en temps de crise.
Marx a été en quelque sorte "fossilisé" par certains de ses adeptes passés et cette représentation pèse encore
Engels est aussi fascinant que Marx. Il avait une façon époustouflante de gérer ses contradictions. Il a été gérant de l’usine de son père, à Manchester, il a fini sa vie millionnaire, et en même temps, il a fait passer l’équivalent de plusieurs centaines de milliers d’euros à son ami, pour lui permettre d’écrire ce qui s’apparente à une véritable bombe contre le système.Mais Engels n'est pas Marx. L’un des biographes de Marx, Gareth Stedman Jones, raconte comment Engels, au cours de l’édition du livre 2 du Capital, a substitué le terme d’« effondrement » du capitalisme à celui d’« ébranlement », qu’utilisait Marx. Cela introduit une sacrée distorsion. Marx passe pour un penseur de la fin du capitalisme, alors qu’en réalité, il était devenu de plus en plus prudent sur cette question avec le temps. Son œuvre reste inachevée, fondamentalement ouverte. Tout le contraire d’un dogmatisme. C’est un système de pensée ouvert, mais s’adressant en effet à ceux qui subissent l’exploitation capitaliste. Évidemment, un néolibéral peut lire Marx et y apprendre des choses sur sa propre pratique. Mais avec les syndicalistes anglais et français que je fais intervenir dans l’émission, j’ai voulu montrer que celui qui est sur la chaîne de montage et qui lit Marx acquiert une énergie et des outils pour interroger sa condition.
(Entretien réalisé par Laurent Etre, l'article complet dans 100 paroles, Fil actualité)