Macron se dit laïque . Les communistes ne classent pas la Croix parmi les journaux laïques. Et pourtant.
Dans un long article du 26-27 septembre 2020 dans la Croix, Olivier Roy nous interpelle. Voici des extraits :
Avec son offensive contre le séparatisme, le président veut-il abolir la loi de 1905 ? La cible est évidemment l’islam, mais comme on ne peut légiférer contre une religion particulière, on fait comme on a fait pour interdire le voile à l’école : on s’attaque aux signes «religieux » en général, tout en pensant que les coups n’atteindront que les musulmans «séparatistes » puisque les autres religions sont supposées ne pas l’être. Mais tous seront atteints.
1) On met derrière l’étiquette de séparatisme des comportements, des groupes ou des déclarations parfaitement hétéroclites, comme le montre d’ailleurs la liste à la Prévert des premières mesures annoncées.
2) On considère dans le fond que le simple fait de placer Dieu au-dessus des hommes est une déclaration séparatiste. En ce sens, toute religion qui ne se replie pas dans le privé est séparatiste aux yeux des chantres d’une laïcité hégémonique qui n’a plus rien à voir avec la loi de 1905.
Une campagne politique et médiatique, appuyée sur quelques travaux universitaires, suppose que la France est l’objet d’une « stratégie d’islamisation ». Or on mélange des choses très différentes. Salafi, djihadistes tablighis, Frères musulmans, mamans voilées, voire trafiquants de drogue, bandes de jeunes des quartiers difficiles et adeptes de Black Lives Matter, joindraient leurs forces pour chasser l’État des banlieues et y imposer la norme islamique. D’une part, l’État n’a jamais été chassé : il s’est retiré (on a vu comment les habitants de Dijon ont dû attendre trois jours que la police intervienne). D’autre part, ces acteurs n’ont la plupart du temps pas grand-chose en commun, sinon d’avoir une origine musulmane.
Quelles mesures sont évoquées ?
Interdiction des certificats de virginité : il s’agit certes d’une opération humiliante et interdite par l’ordre des médecins, mais quel rapport avec le séparatisme ? La virginité n’est pas une valeur de la République ? Fort bien, mais quid de ceux pour qui elle est une valeur ? Faudrait-il interdire toute « incitation à la virginité » ?
Pas de halal à la cantine ? Pourquoi pas, mais végétariens, bouddhistes, juifs pratiquants, ainsi bien sûr que les musulmans, demandent simplement qu’il n’y ait pas d’obligation de manger de la viande, ce qui est l’exercice d’une liberté élémentaire.
Sanctionner les prêches de haine ? Excellente idée, mais l’on dispose de tout un arsenal de mesures qui ont considérablement étendu le champ de la « haine » depuis trente ans (le sexe, la race, l’antisémitisme). Qu’est-ce qu’on pourrait criminaliser de plus ? Ah si : la condamnation des « infidèles ». Déclarer que le non-croyant n’ira pas au paradis n’est pas démocratique. Le paradis pour tous, la communion pour tous.
L’égalité entre hommes et femmes ? Excellente idée. Si tout refus de mixité est une forme de séparatisme, alors il faut interdire les ordres monastiques – ce que la Révolution française, logique avec elle-même, avait fait. La mesure serait limitée aux associations financées par l’argent public, nous dit-on. Mais la frontière n’est pas nette. On voit ce qui se passe avec le voile : interdit seulement à l’école, il fait depuis l’objet d’une « chasse » dans tout l’espace public en dehors de tout cadre légal (Parlement, conseils généraux…).
Et que se passera-t-il quand les femmes qui ont postulé pour être évêques porteront plainte contre le refus des séminaires catholiques de les accueillir ? L’État devra-t-il alors interdire l’usage des lieux de culte qui sont propriété publique aux religions qui refusent d’ordonner des femmes ? On pourra enfin transformer Notre-Dame de Paris en musée.
Déclarer que la loi de Dieu est supérieure à la loi de l’homme serait du séparatisme ? Le croyant en tant que citoyen obéit bien sûr à la loi des hommes, encore que… L’objection de conscience existe dans le droit français, et l’on a connu des circonstances où il a bien fallu rejeter la loi des hommes. Car pour le croyant en tant que croyant, Dieu est bien au-dessus des hommes (et même le pape François le dit !).
Ce qui est en jeu c’est bien l’expulsion du religieux de tout l’espace public, ce qui est le contraire de la loi de 1905, qui définit le cadre de la pratique du culte dans l’espace public.
Avec sa spécificité, le catholicisme a les mêmes positions que la libre pensée athée. Le débat sur la laïcité en 2020 est lancé !
HA