Théo Nencini dans relations internationales N° 128 étudie ce qu'il appelle la bascule orientale . "Pour une raison ou pour une autre, et à de rares exceptions, les acteurs non occidentaux semblent sentir qu'est venu pour eux le moment de prendre leurs distances à l'égard d'un mode de conduite des relations internationales qu'ils perçoivent , encore et toujours, comme arrogant et méprisant, par moment humiliant, et qu'ils estiment ne reconnaissant pas à leur juste valeur les qualités et caractéristiques propres à leur mode de gouvernance et histoire politique nationale particulière."
On pourrait donc croire que Nencini comprend l'émergence de nations qui étaient jusqu'à présent dans une situation néo coloniale. Même s'il n'utilise pas l'indicatif qui constate mais le subjonctif qui introduit le doute.
Il constate que la guerre en Ukraine inaugure un nouveau partage du monde. De nombreux pays africains et une majorité de pays asiatiques s'abstiennent de condamner Poutine. "On est en droit de se demander si ce n'est pas l'occident même qui risque cette fois de se retrouver bien seul."
Puis l'article passe du constat au pourquoi.
L'explication c'est la "Paix des autocrates" . Il ne s'agit pas d'une nouvelle guerre froide parce qu'il n'y a pas de rideau de fer. Cet homme intelligent est incapable de voir les barrages qui ne prennent effectivement pas la forme du défunt mur de Berlin mais servent dans l'autre sens. La RDA empêchait de sortir. L'Occident empêche d'entrer entre le Mexique et les Etats Unis, en Italie, en Grèce , au Maroc espagnol sur terre et sur mer transformant l'occident en camp retranché. Il les juge donc légitimes.
Pourquoi ? "la séquence qui s'est ouverte le 10 mars 2023 à Pékin, avec l'annonce du rétablissement des relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie saoudite parait renforcer cet état de choses… et accrédite la thèse de la paix des autocrates. …La volonté des pays d'Asie de l' ouest de diversifier leurs engagements diplomatiques en pariant sur un apaisement des tensions régionales scellé par la Chine ne doit pas tromper. La bascule de l'ordre international se joue à présent en Orient et surtout au mépris des libertés-une présomption renforcée par la trajectoire ascendante de l'Inde , amenée à faire très prochainement son entrée dans la cour des grands, mais qui n'en reste pas moins elle aussi engagée sur une sombre pente autoritaire."
C'est la version de gauche de l'atlantisme qui ignore le rôle du dollar, l'or confisqué, SWIFT et les sanctions, qui ignore le Brésil et l'Afrique du Sud, et présente la paix avec les autocrates comme une paix dangereuse tout en disant parfois le contraire dans l'article.
- Au nom de la liberté le capitalisme rentier reste le "moins pire"
- Les autocrates finiront par se disputer.
- Au fond il est impossible de changer de monde.
Gramsci a bien raison : l'hégémonie a plus d'un tour dans son sac.
Henri Ausseil