La république chez nous se décline en numéros il n'y a pas UNE république mais plusieurs , quant au fond et à la forme, contrairement à ce que prétend Macron dans son discours du Panthéon.
- Les deux premières (1792-1799 et 1848-1851) sont filles de révolutions réussies provisoirement.
- la troisième (1870-1940) est née d’une défaite et finit par une défaite.
- la quatrième (1946-1958) d’une victoire .
- la cinquième (1958-…) d’un putsch militaire.
Et ces cinq républiques n’ont pas eu moins de sept constitutions. Toutes ne sont pas équivalentes. La première a ouvert des portes démocratiques et sociales inédites ; la seconde a étouffé ses promesses émancipatrices initiales, parce que la peur du monde populaire urbain a conduit dès 1848 la bourgeoisie à s’effrayer de ses propres audaces ; la troisième n’a été véritablement propulsive que lorsque le mouvement ouvrier est parvenu à bousculer les atermoiements des républicains les plus tièdes ; la quatrième a vu ses potentialités démocratiques annihilées par les confusions de la guerre froide ; quant à la cinquième, son présidentialisme l’a portée vers des dérives monarchiques et la conduit aujourd’hui à la crise politique que nous connaissons et qui nous perturbe tant.
Comme acte fondateur, Emmanuel Macron a choisi le 4 septembre 1870. Sa décision est lourde de sens et de troublantes ambiguïtés. Quand la défaite militaire face à la Prusse précipite la chute du Second Empire, à la fin de l’été 1870, c’est l’intervention du peuple parisien qui impose la proclamation de la République. Mais ceux qui la déclarent officiellement ne sont pas les plus révolutionnaires ou les plus radicaux : leur objectif est avant tout de rassurer les conservateurs, au nom de l’impératif de « Défense nationale ». En février 1871, les élections législatives donnent une majorité écrasante aux ennemis de la république – 150 républicains, majoritairement très modérés, face à 400 monarchistes et une quinzaine de bonapartistes. L’idée républicaine qui se cache est une idée moribonde… Un an après cette fixation conservatrice, en mai 1871, elle révèle d’ailleurs sa nature profonde en plongeant Paris dans le bain de sang de la « Semaine sanglante », qui foudroie les promesses populaires et émancipatrices de la Commune de Paris. . Alors que la Commune avait dès 1871 décrété la séparation de l’Église et de l’État, institué le principe de l’école laïque et gratuite, réaffirmé le droit au travail et proclamé l’autonomie municipale, la IIIe République attendit 1881-1882 pour installer la laïcité scolaire, 1884 pour permettre aux conseils municipaux d’élire leurs maires et 1905 pour séparer l’Église et l’État. . Ce n’est qu’en 1884 que les syndicats sont reconnus, en 1892 que sont créés les inspecteurs du travail et 1898 qu’est adoptée une loi sur les accidents du travail. Et il fallut patienter longtemps (1945) pour que cette république des droits, indéfectiblement hostile aux droits des femmes, leuraccordeledroit de vote.
la République ne se vénère pas comme une idole univoque et figée. Elle ne s’emprisonne pas dans un consensus lénifiant. Elle se construit en assumant pour les réduire les tensions naissant d’une société traversée par les inégalités, les discriminations et les aliénations qui contredisent le parti pris républicain. Le consensus qu’invoque Emmanuel Macron est celui d’une république conservatrice, soucieuse d’ordre plus que d’égalité. Macron enfonce le clou en précisant que s’il y a des droits, il y a « d’abord des devoirs ». Cette version minimaliste de l’idée républicaine fonde la liberté sur l’autorité davantage que sur la citoyenneté. L’émancipation est utilisée au passé – l’abolition de l’esclavage – mais ne se décline pas au présent. L’élargissement de la citoyenneté ne renvoie qu’à l’acquisition de la nationalité. Le bien commun et le service public qui en découle ne sont plus l’horizon de l’État. L’État-providence ouvertement revendiqué n’est plus celui de l’atténuation des inégalités, mais celui des pouvoirs régaliens garants de l’ordre social.
Une république hors du temps, sans peuple concret et sans révolution ; une république sage et policée où le peuple sociologique et le peuple politique ne se confondent surtout pas… Comment, dans ces conditions, faire de la république une passion populaire ?
Extraits de Roger Martelli
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