De toutes parts et pas seulement à gauche, et hélas à gauche moins qu'ailleurs le diagnostic , pour peu qu'on y fasse attention, émerge. La droite a peur , ce qui la rend lucide.
La formidable bataille sur l'identité, les civilisations, les différences "génétiques" camoufle avec succès la lutte des classes c'est à dire gomme la conscience de classe.
La lutte des classes existe au moins depuis le néolithique et le capitalisme ne l'a pas inventée. Dès qu'un prince s'empare d'une partie importante de la récolte, ne serait-ce que pour s'offrir une sépulture hors du commun, l'affrontement naît. Celui qui travaille a une moindre part de la récolte que celui qui a la puissance. Les chamans font passer cette captation pour une décision divine. Les jacqueries, de loin en loin voient affleurer la lutte des classes.
Contrairement à ce qu'ont pensé les marxistes avant Gramsci, la lutte des classes s'exprime rarement, ou plutôt la conscience de classe est le plus souvent assoupie par l'hégémonie. En 2021 c'est le rôle des grands prêtres de l'identité. Le musulman tout autant victime que moi est l'ennemi, le rassemblement libérateur est bloqué.
Cela dicte notre choix : le rassemblement suppose la conscience de classe chez les plus opprimés. Chaque fois que nous contournons à gauche cette évidence (la nature, l'économie d'énergie, le féminisme, la laïcité...) nous rendons service à Macron. Il s'agit d'objectifs progressistes indéniables, mais lorsqu'ils oblitèrent (involontairement) la conscience de classe ils nous font reculer dans les quartiers populaires oubliés. Prenons l'exemple du féminisme. Lorsque le foulard devient l'ennemi, la division s'opère au lieu du rassemblement. L'appartement aux normes environnementales souhaitable mais dont le loyer augmente chasse le pauvre vers le ghetto.
Nous n'avancerons que si nous nous colletons avec la réalité : reconquérir les quartiers populaires suppose la dialectique. Toutes les luttes sont nécessaires mais à une condition, n'en abandonner aucune.
Avec les couches moyennes seules nous n'y arriverons pas. Et abandonner les couches populaires aux Zemmour , aux islamistes ou au désespoir est catastrophique. C'est pourtant ce que nous faisons.
Henri Ausseil