André Bourgeot, anthropologue social, étudie dans Recherches Internationales un groupe parmi d'autres au Mali , le Djihad armé d'Amadou Koufa. Il a deux sources précieuses : 12 cassettes du prédicateur et de nombreux témoignages, dont celui du traducteur.
Nos sources habituelles sont les barbouzes dont le regard est extérieur et faussé, celui du bien examinant le mal. Bourgeot ne cherche pas à combattre mais à comprendre , ce qui est beaucoup plus efficace.
Le résultat mérite notre attention. Ne cherchez pas ici la partie repoussante du discours de Koufa, sa vision répugnante des femmes, la mort comme horizon. Lecteurs et lectrices n'ont pas besoin de ces informations, c'est la partie la plus connue et probablement la seule, de l'islamisme radical.
C'est l'explication de son succès qui devrait attirer notre attention.
Le recrutement ne se fait pas à partir de l'Islam
Une expression nous a frappé. Ce n'est pas le Coran qui attire mais l'ignorance de ses fondements et les adhésions idéologiques sont extrêmement rares. La misère et le besoin de reconnaissance sociale (que la kalachnikov parait donner), la recherche d'un soutien pour éviter à la famille de voir ses biens détruits, des problèmes de parcours des nomades, des rancœurs familiales, des injustices et exactions subies de la part du gouvernement ou de Barkhane, l'appât du gain des trafics de drogue sont les véritables motifs, extraordinairement variés.
Le discours de Koufa prouve qu'il l'a parfaitement compris
Les précieuses cassettes contiennent un discours anti impérialiste (contre la France, la Minusma et le gouvernement à leur solde, la prise en compte des revendications des nomades peuls et touaregs, un refus de l'usure et du capitalisme, très efficace auprès des jeunes.
Barkhane se révèle une aide fantastique pour Koufa
L'usage de la force, la protection des corrompus, les bavures inévitables, le pillage du pays par les multinationales sont de formidables atouts pour le recrutement. Une fois recruté le jeune intègre par une "formation intense" l'Islam de Koufa qui n'est pas celui des marabouts, mais au départ c'est de toute autre chose qu'il était question.
La stratégie de combat est parfaitement assimilée
La moto est plus utile que le char d'assaut et les armes très lourdes que "l'armée" de Koufa ne possède pas. La mobilité et la fluidité (les groupes ne restent jamais au même endroit et leur composition fluctue) rend inefficace la délation.
Bourgeot ne tire aucune conclusion politique , ce n'est pas l'objet d'une étude du CNRS. Mais il nous arme pour le faire. L'antique stratégie de la françafrique revient comme un boomerang. Elle est devenu l'outil du rejet de la France. Nous français bien sûr n'y sommes pour rien , du moins ceux qui ne votent pas pour les donneurs d'ordre. Fabriquant des martyrs elle coupe une tête et en fait pousser dix.
Il n'y a qu'un chemin pour éradiquer le djihadisme, le développement économique des pays africains sortis du néo colonialisme. S'imaginer une minute que Macron peut l'accepter , c'est ne rien comprendre à notre monde.