Un décret, paru le 20 mai 2020 permet au propriétaire d’une entreprise de la reprendre après un dépôt de bilan. Sans aucune autorisation préalable. La mesure a été adoptée par le gouvernement dans le but vertueux de limiter la casse économique et sociale post-Covid.
La faillite d'Alinéa illustre une toute autre motivation, un cadeau somptueux aux actionnaires. Depuis 2018, l'entreprise a des difficultés et enchaîne les pertes , ce qui n'a rien à voir avec le covid et les gilets jaunes invoqués.
Le 31 août, l’entreprise sera fixée sur son sort à l’issue d’une audience devant le tribunal de commerce. Il n’existe, à ce jour, qu’une seule offre de reprise d’Alinea, formellement déposée jeudi. Elle prévoit seulement la reprise de neuf magasins, la fermeture de dix-sept autres et le licenciement de 1000 salariés. Les repreneurs ne sont autres que les actuels propriétaires d’Alinea : Alexis Mulliez et ses cousins, cousines, oncles et tantes,
Désormais les propriétaires d’une entreprise peuvent la racheter après l’avoir déclarée en cessation de paiement. Les actionnaires d’une entreprise peuvent donc désormais en cas de difficultés déjà anciennes, déposer le bilan. Puis, profiter du nouveau décret pour racheter leur boîte. Entre-temps, ils auront effacé ses dettes auprès des fournisseurs et des organismes sociaux.
Libération a eu connaissance du rapport "confidentiel" des experts financiers mandatés par le tribunal de commerce pour examiner la situation d’Alinea. Une opération immobilière a ainsi été réalisée le 17 novembre 2017. La direction de l’entreprise décide alors de transférer la propriété des murs de neuf de ses 26 magasins à une nouvelle entité dénommée Aline Immo. Au total, il y en a, selon la société, pour 150 millions d’euros. La transaction a un double effet négatif pour l’entreprise : Alinea s’appauvrit du montant de la valeur des murs de ses magasins et est désormais contrainte de payer des loyers à hauteur de 13 millions d’euros par an. Le même document évalue le coût du plan de licenciements des 1 000 salariés à 21,9 millions d’euros. Cette somme pourrait être payée par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). Cet organisme collectif intervient dès lors qu’une entreprise est en cessation de paiement et ne peut honorer ses obligations à l’égard des salariés. En déposant le bilan et en rachetant ensuite une partie de l’entreprise, les dirigeants d’Alinea feraient financer les départs par la collectivité et le groupe Milliez ferait de sérieuses économies et en fin de compte des bénéfices.
D'après Franck Bouaziz