Voilà une scène qui en dit long de l'atrophie démocratique: alors que l'ISF est sur toutes les lèvres, que des ministres macronistes eux-mêmes émettent des doutes sur sa suppression, la majorité a refusé d'en débattre à l'Assemblée nationale. Tous les amendements de l'opposition pour le rétablir ont ainsi été jugés «irrecevables » par l'arbitraire de la majorité macroniste. Pourquoi le débat leur fait-il si peur? Parce que, avec le mouvement des gilets jaunes, les députés se savent dorénavant sous surveillance citoyenne. Les élus macronistes vendus sous le label « société civile », qui ont massivement fait rentrer les intérêts privés dans l'Hémicycle, ont pris conscience qu'ils devront dorénavant rendre des comptes.
Cette scène, au fond, dit une chose simple: la démocratie représentative n'existe plus. Employés et ouvriers représentent la moitié de la population active et comptent pour dix fois moins parmi les députés. Aucun ouvrier ne siège dans l'Hémicycle. La démocratie est redevenue censitaire, repoussant toujours plus loin les classes populaires de la scène politique. En rangeant la lutte des classes dans le tiroir des «vieilleries idéologiques », en dépolitisant le débat public, le néolibéralisme a vidé de sa sève la démocratie. Ce n'est pas le «modèle » qui est en crise, c'est son fonctionnement, réduit à un théâtre d'impuissance devant l'hégémonie des multinationales, de promesses non tenues.
Emmanuel Macron a beau être le pur produit de cette confiscation, il ose se présenter comme le chantre de la démocratie face à la tentation autoritaire. Une escroquerie d'autant plus dangereuse que la possibilité du fascisme est bien réelle. Inévitablement, la manœuvre du « vote utile » ne fonctionnera plus. L'alternative politique à l'extrême droite se joue donc ici et maintenant : dans la capacité des citoyens à se réinviter dans le jeu politique, comme le font les gilets jaunes, à s'unir pour des conquêtes sociales plutôt que se diviser sur des paniques identitaires irrationnelles.
Maud Vergnol édito de l'huma