En ces temps troublés où les certitudes vacillent , et où nos ennemis paraissent partout marquer des points, il est bon ce s'interroger sur ce fondement du marxisme.
L'économie libérale l'écarte sans la nommer : des "lois" aussi indiscutables que la chute des corps montrent que rien d'autre n'est possible que ce qui est, du moins en Occident. L'hégémonie qui glisse les idées de l'exploiteur dans la tête de l'exploité aboutit au même résultat : CAC 40 et travailleurs même combat.
Pourtant la lutte des classes trouve son origine dans la production de richesses. C'est le partage très inégal de la plus - value produite par le travail qui provoque le désir d'aboutir à un partage moins inégal. La lutte des classes est donc éternelle tant que l'égalité ne sera pas parfaite, donc pour longtemps.
mais si la lutte des classes est éternelle, la conscience de classe est hautement variable. Telle le volcanisme elle n'existe massivement que lors d'épisodes brefs , les jacqueries, 1793, la Commune, 1917, 1936, la résistance . Le reste du temps elle est assoupie et non absente.
Dans cet état léthargique la lutte des classes prend des formes improbables qui l'empêchent de viser l'ennemi réel. En voulez vous des illustrations ?
- 73 % des électeurs du Front national croient à la lutte des classes (contre 50 % des électeurs socialistes) mais en désignant l'immigré comme la cause de tous les maux ils combattent une autre victime et non l'oppresseur.
- La lutte des classes dans les zones les plus défavorisées prend la forme du banditisme (le jeune dealer fournit les revenus de la famille, tel la bande à Bonnot qui prenait aux riches). La violence est partout visible, dans les voitures incendiées, les écoles saccagées, les abribus détruits. Mais JAMAIS le véritable ennemi de classe n'est identifié et combattu. Le bourge appartient en réalité aux couches moyennes un peu moins dévavorisées, le CRS n'est qu'un chien de garde dont d'autres tiennent la laisse, l'école est en réalité la seule chance du jeune beur.
Evidemment la traduction électorale est désespérante. Abstention massive, vote de refus qui va du pire au pire, sentiment que rien n'est possible.
Notre rôle est donc double : se réapproprier le marxisme trop souvent oublié au profit d'ersatz, et mener le combat d'idées pour nommer le vrai ennemi , la rente à 15 % des fonds de pension, qui règne en maîtresse sur nos destins.
Henri Ausseil